Il y a un peu plus de 3 ans, une poupée attirait notre attention sur ebay. Elle avait tout d’une poupée American Girl… à l’exception de son visage, totalement inconnu.
Seules indications : une marque dans sa nuque : Bluebell et la copie d’une page de catalogue la présentant sous le nom d’Isabelle de Taillebeau dans la série des Petites filles de France.
Intriguées, nos recherches sur le net nous ont alors conduit à un article posté par Barbiecatetsesdolls en 2016 qui nous a permis d’en savoir un peu plus sur ses poupées et surtout de feuilleter (virtuellement) quelques pages du catalogue reproduit dans l’annonce ebay.
La poupée d’ebay s’est vendue à un prix un peu plus élevé que celui que nous étions prêtes à débourser et il nous a finalement fallu attendre les derniers jours de 2020 pour trouver une nouvelle poupée Bluebell en vente et l’adopter. C’est elle que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui. Elle s’appelle Agnès de Villeroy.
Agnès de Villeroy est une poupée à corps souple, articulé au moyen de rotules, selon un système breveté par Götz et depuis repris par de nombreuses marques.
Sa tête et ses membres sont réalisés dans un épais vinyle. Les pieds et les mains sont extrêmement détaillés.
Son corps est en toile blanche bourrée. Sa tête est retenue par un cordon plat. Elle mesure environ 46 cm (50 au catalogue… ou au sommet du chignon).
Elle est marquée dans la nuque :
BLUEBELL
et sous la collerette :
2 – 95 – 1
Elle a de longs cheveux auburn implantés et relevés en chignon. De courtes mèches encadrent son visage.
Nous l’avons adoptée vêtue de sa robe de présentation. Elle porte également une culotte bouffante blanche, un jupon blanc noué à la taille et une paire de bottines à lacet marron. Si ces éléments lui vont parfaitement et semblent être d’origine, impossible pour nous de l’affirmer avec certitude en l’absence d’une documentation plus complète.
C’est une poupée de très belle qualité, tant dans le choix des matériaux que dans les finitions. Les poupées Bluebell étaient clairement des jouets haut de gamme.
Cette qualité, inattendue pour un article confidentiel vendu exclusivement par téléphone auprès d’une mystérieuse entreprise domiciliée à Monaco, nous a poussées à vouloir en savoir plus. On ne croise pas des poupées monégasques tous les jours !
Les extraits de catalogue précieusement mis en ligne par barbiecatetsesdolls nous ont non seulement permis d’apprendre le nom de notre poupée, son prix : 590 F au printemps 1995 (soit 127€, 25 ans plus tard*), son mode d’achat (par téléphone auprès d’une société domiciliée à Monaco) mais aussi de découvrir tout l’univers de la marque.
Il suffit de ces quelques pages pour se rendre compte que la ressemblance avec l’univers American Girl de la même époque est flagrante :
- même argument commercial : des poupées accompagnées de courts romans présentant des épisodes marquants de l’histoire du pays dans lequel elles sont commercialisées ;
- même merchandising : chaque poupée dispose de plusieurs tenues et accessoires censés donner vie à son univers (et vous faire dépenser beaucoup d’argent !). D’un côté comme de l’autre, certaines tenues sont proposées en taille fillette ;
- même composition graphique tant pour le catalogue que pour les livres et logos très similaires :
Avant de crier publiquement au plagiat, j’ai lancé quelques recherches pour tenter de comprendre l’origine de ces poupées. Je voulais comprendre quelle société se cachait derrière les éditions Bluebell et si un partenariat commercial officiel avait existé entre Bluebell et American Girl.
A l’origine des poupées Bluebell…
Une recherche sur la base-marque de l’office de la propriété industrielle de la Principauté de Monaco nous apprend que la marque « éditions Bluebell » a été enregistrée le 10/02/1995 dans la classe 16 uniquement (catalogues et magazines).
Un second dépôt enregistré le 24/03/1995 concerne les classes 3 (produits cosmétiques), 16 (documents imprimés), 25 (vêtements) et 28 (jouets). La marque dispose désormais d’un logo. Elle n’a jamais été renouvelée.
On apprend, toujours sur le site du MCIPO que le déposant était la société BLUEBELL INTERNATIONAL, domiciliée 30 boulevard Princesse Charlotte 98000 MONACO. L’adresse correspond à un immeuble de bureaux.
Le site internet du répertoire du commerce et de l’industrie de la Principauté de Monaco nous apprend, à son tour, que cette société d’import-export (enregistrée sous le numéro 56S00317 et définitivement radiée suite à une dissolution anticipée en 2002) avait plus d’une corde à son arc et proposait notamment la vente directe au détail de poupées et de livres pour enfants ; l’édition de catalogues et leur diffusion.
La société BLUEBELL INTERNATIONAL est également mentionnée dans le livre L’ange exterminateur, la vraie vie de Bernard Arnault.
En revanche, je n’ai pas réussi à borner précisément dans le temps la période de commercialisation de ces poupées. Je ne sais toujours pas non plus qui a dessiné leur visage ou sculpté leurs moules.
Où étaient-elles fabriquées ? Où et comment était distribué le catalogue ? Ces poupées n’étaient-elles disponibles que par correspondance ?
Plagiat ou partenariat ?
Les points de ressemblance entre les poupées American Girl et Bluebell sont trop nombreux et flagrants pour relever de la simple coïncidence.
J’ai contacté, dès 2017, la marque American Girl pour demander à ses représentants s’ils avaient entendu parler des poupées Bluebell et si elles avaient été distribuées avec leur accord.
Je n’ai jamais eu de réponse, ce qui m’a beaucoup surprise car le service client de la marque, interrogé à maintes reprises sur d’autres sujets m’a toujours répondu très rapidement… Je bute donc sur ce point pour le moment.
Quant à l’expression « Petites filles de France » apposée sur la couverture du catalogue, si elle a par le passé été utilisée par la marque Gégé, d’après nos recherches, la famille Giroud ne l’avait jamais déposée à l’INPI.
La société BLUEBELL INTERNATIONAL a quant à elle déposé l’expression « collection petites filles de France » en même temps que la marque « éditions Bluebell », début 1995. Elle était donc totalement légitime pour employer cette expression bien connue des collectionneurs de poupées vintage !
Enfin, les livres, très brièvement évoqués au cours de cet article, fournissent quelques indices supplémentaires… mais ça c’est une autre histoire, comme disait Titus le petit lion.
Quant au catalogue, il contient sans doute d’autres informations précieuses mais nous n’avons malheureusement pas pu le consulter dans son intégralité.
*prix actualisé en tenant compte de l’inflation calculée par l’INSEE.
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